Pour mettre fin à l’importation de riz, la Guinée doit trouver près de 2 milliards de dollars pour aménager 150 mille ha.

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Hamadoun Bocoum, malien, est expert et consultant international, représentant de Sahel Agri aux états généraux de l’agriculture et de l’élevage. Il a participé au Master Class sur: « Partage d’expériences et de bonnes pratiques des autres pays acteurs du monde agricole ».
Dans une interview exclusive qu’il a accordée à AGRIGUINEE.INFO, cet expert malien propose des solutions durables pour permettre à la Guinée, avec ses millions d’hectares de terres arables, d’être autosuffisant, notamment en riz. Lisez!

www.agriguinee.info: Bonjour Monsieur Hamadoun Bocoum, vous êtes malien, expert et consultant international, vous venez de prendre part aux états généraux de l’agriculture et de l’élevage en République de Guinée qui se sont tenus du 03 au 05 Juillet 2024 à Conakry. Quelle appréciation faites-vous de ce grand rendez-vous des acteurs agropastoraux ?

Hamadoun Bocoum: Bonjour www. agriguinee.info, merci de l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer chez vous. Je suis invité par le Ministère de l’agriculture et de l’élevage aux assises sur les états généraux de l’agriculture et de l’élevage de Guinée. Mon appréciation est que c’est original en fait. Il fallait que ça soit fait, parce qu’effectivement nos pays ont besoin de ça, nos pays ont besoin d’événements comme ça, d’inclusion, de participation collective. Surtout en parlant du secteur rural et des économies rurales avec les populations agricoles. Donc ça, ça a été très bien fait, je félicite la Guinée et les Guinées. Je félicite le gouvernement guinéen, le Ministre de l’Agriculture et de l’Élevage, son Excellence M. le Premier Ministre et son Excellence le Président de la République qui ont bien voulu accepter la proposition de Monsieur le Ministre Félix Lamah de tenir ces assises-là.

www.agriguinee.info: Quel regard portez-vous sur le déroulement des panels et masters class ?

Hamadoun Bocoum: Il y a eu des panels et des masters class, mais j’aurais bien voulu qu’on comprenne qu’un master class et un panel, c’est complètement différent.
Un master class, c’est des grands spécialistes qu’on appelle pour un sujet donné, un thème donné, ou un secteur donné, ou une filière donnée, ou un marché donné, en tout cas une spécificité. Alors les masters class ont été traités de la même façon que les panels.
Alors, ça veut dire que les spécialistes que nous sommes, on n’a pas eu le temps nécessaire de nous exprimer et de dérouler tout le package qu’on a amené par rapport à ce que nous avions. Mais chacun a pu avoir quelques temps pour s’exprimer un peu et je pense qu’on a pu être compris.

www.agriguinee.info: La Guinée a un grand potentiel agricole, mais nous importons notamment une grande quantité de riz, que faudrait-il faire à votre avis à cet effet ?

Hamadoun Bocoum : Ce que j’aurai voulu entendre c’est qu’on aille vers un changement de paradigme économique par rapport aux économies rurales surtout parlant de nos balances commerciales concernant les denrées alimentaires. On me dit que la Guinée importe aux bas mots, 700 mille tonnes de riz annuellement. C’est extraordinaire, je sais que pour corriger cette facture-là, il faut emblaver ou faire emblaver en moyenne 140 à 150 mille hectares de rizière, ce qui n’est pas évident. L’aménagement d’un hectare dans les périmètres de l’Afrique de l’Ouest, c’est en moyenne 5 à 6 millions de francs CFA. Donc c’est extrêmement lourd. Ça vaut 1,5 milliard de dollars pour aménager 150 000 hectares, en réalité, pour corriger cette facture. Alors c’est bien que l’État se mette à aménager des terres, parce que les terres, il y en a plein. On nous a dit qu’il y a 13 million d’hectares arables, agris cultivables, que l’Etat s’organise pour faire des aménagements massifs, pour que l’on produise assez de riz, ou beaucoup de riz en tout cas, pour réduire sensiblement cette facture-là.
Mais j’aurais souhaité moi qu’on ait un changement de paradigme maintenant en Afrique, par rapport aux questions de développement et de portage de croissance économique et sociale. Il est temps que maintenant, dans le cadre des PPP…Combien d’Etats ont voté les PPP et les ont adoptés ? J’aurais bien voulu que le secteur privé, maintenant, et à partir de maintenant, reprennent un peu la charge de développement et de portage de croissance. Par ce que c’est possible et c’est ce qu’il faut pour alléger un tout petit peu les Etats dans la dette extérieure et tout ça. Je donne un exemple précis. Si par exemple aujourd’hui les 700.000 tonnes de riz de la Guinée, si on fait des consortiums d’entreprises guinéennes, africaines, et même si c’est des joints ventures, et que des gens soient ensemble pour créer des grappes d’entreprises qui vont faire face à cette problématique-là. Il y a, à travers le monde, des banques internationales et des fonds privés, des fonds d’investissement privés qui peuvent accepter de prêter de l’argent aux groupes de privés.
Un privé seul, par exemple, s’il s’adresse à la BID ou au secteur privé de la BAD, c’est possible, mais si c’est une grappe d’entreprises guinéennes reconnues avec des carnets d’adresses solides qui sont ensemble qui demandent même 2 mille milliards de dollars. C’est possible. Et en ce temps je pense que les infrastructures qui seront mises en place seront mieux entretenues, mieux gérées parce que le privé il sait qu’il a pris l’argent pour investir et chercher du pognon et rembourser surtout la dette qu’il a prise. Il s’oblige lui-même comme exactement il surveille sa boutique, son industrie, Ils vont surveiller cet outil-là, le gérer comme il faut, pour qu’il soit durable, pour qu’il soit efficient, et ça allège les charges des États en fait.
Moi j’aurais bien voulu que les PPP soient vraiment mis en valeur, et que l’État guinéen et le secteur privé, à travers le patronat, la chambre de commerce, les interprofessions agricoles s’il y en a en Guinée, je sais qu’il y en a en tout cas dans mon pays au Mali, et qu’on se mette ensemble et qu’on fasse des plans très stratégiques pour que le secteur privé joue son rôle. Parce que pourquoi ? L’entreprise agricole familiale a tendance à montrer ses limites. Et les Etats ont fait beaucoup de choses. De nos indépendances à maintenant, on ne peut pas vous montrer le livre que les dettes représentent par rapport à ce que les Etats prennent pour le développement des nations. C’est énorme, les états ont joué leur rôle pleinement, jouent encore leur rôle, mais je pense qu’il est temps de faire un petit changement, un léger changement de paradigme pour que le secteur privé aussi vienne. Ils peuvent le faire et c’est vraiment mon conseil. Je félicite vraiment le gouvernement guinéen et les guinéens eux-mêmes, je félicite particulièrement Monsieur le Ministre, pour l’initiative et je voudrais aussi dire qu’on aille dans les approches filières concernant en tout cas, les économies agricoles, les approches filières pour qu’on fasse des paquets d’initiatives. On fait l’initiative riz, on voit les privés qui peuvent entrer là-bas, comment le gouvernement peut donner des appuis de confort. On fait l’initiative pommes de terre, on fait l’initiative blé ou maïs. Et puis voire tout ce que nous importons en termes agroalimentaires, qu’on fasse une initiative par filière et que les privés s’en chargent avec des appuis de confort de l’État. Si ça se fait comme ça, les banques vont entrer là-dedans, les banques nationales et régionales, et pourquoi pas les banques d’investissement au plan international. Et nous, on a des cabinets d’experts pour faire de l’interface entre les investisseurs africains et les investisseurs à travers le monde, c’est pourquoi SAHEL AGRI INVEST. Nous nous sommes là pour aider les pays sahéliens dans des élans de développement de croissance dans le secteur rural. Je pense que oui, si nous allons dans l’approche filière et qu’on aille dans le modèle des initiatives par filière, qu’on fasse des grappes d’entreprises sur des grappes économiques régionales, je suis certain que ça va changer et aider Monsieur le Ministre de l’Agriculture dans ses intentions, dans ses projets, dans sa vision et aider la Guinée certainement à s’autonomiser, même si c’est à 50, 60, ou 70%, d’avoir sa souveraineté alimentaire à un taux comme ça, et c’est gagné.

Vous avez animé un master class, de quoi il s’agissait pour vous?

Je devais présenter le programme Shindel Emploi Sahel. C’est un programme, une initiative de nos cabinets à Genève pour mettre en place des initiatives d’investissement dans le secteur rural et faire un portage mécanique par la filière bétail-viande, parce que nos viandes sont attendues par les Arabes, les viandes halal naturellement. Et puis donner du travail à la jeunesse et aux femmes. Shindel, par exemple, le programme du Mali, on voudrait mettre 6 millions d’emplois en faveur de la jeunesse rurale et des femmes rurales. On voudrait mettre en place des abattoirs modernes, certifiés ISO 22000 et ISO Halal par le privé, soutenu par les Etats, pour exporter la viande du Mali au Golfe, parce que c’est attendu. En 2016, par exemple, l’organisation de la conférence islamique a fait des assises sur le business Halal et avait invité tous les pays musulmans de la planète. Je suis sûr que notre pays, la Guinée aussi, avait été représentée. Mais bon, je pense qu’après, il n’y a pas eu de manifeste opérationnel comme il le fallait. Mais ce n’est jamais tard parce que nos économies matricielles bétails sont toujours là, la demande du Golfe en viande est toujours là et croissante, et nos dirigeants sont toujours dans la ferveur de vouloir développer nos pays, de développer nos filières, nos économies, et surtout la cruciale question de l’emploi. Nous nous étions en phase de mettre en place un grand programme Shindel Emploi au Sahel sur le Mali, le Burkina et le Niger depuis 2018. Et l’Union Européenne certainement allait accompagner très sérieusement ce programme qui était à hauteur de 7 milliards d’euros. J’étais sûr et certain que l’Union Européenne allait voir ce dossier et financer les trois Etats. Mais le problème sécuritaire est en train d’être résolu et on espère relancer dès que possible. En Guinée, Dieu merci, la tranquillité n’est pas relative elle est réelle. Un malien, c’est un Guinée. Donc si je n’ai pas pu le faire en terrain malien ou sahélien, pourquoi pas, je le fais ici. Agriguinee.info, je vais vous donner la surprise ! Le père de mon grand-père est venu de Dinguiraye. Il est allé à Pout, au Sénégal, après à Tam, à Matam, avant d’aller dans le Macina. Et c’est là que nous…Nous, on est donc des gens du Macina au Mali. Mais bon, les origines, en tout cas, on m’aurait dit dans nos petits livres en famille que nous sommes de Dinguiraye. Donc, même sans ça, un malien, c’est un Guinéen. Et je suis complètement à l’aise quand je viens ici. Je ne vois rien qui soit différent du Mali ou des Maliens. Je ne vois absolument aucune différence. Je suis complètement à l’aise. J’ai des sentiments très positifs, je suis dégagé quand je suis là. Je voudrais vraiment, oui, je voudrais que Shindel puisse avoir pied ici. 13 millions d’hectares agri cultivables, un bassin hydraulique extraordinaire unique en Afrique de l’Ouest, une demande forte en agroalimentaire et des factures terribles parce que la balance commerciale, la Guinée, comme les autres pays, elle est négative complètement. Donc corriger cette balance, ce serait pour moi une fierté si Shindel arrivait à le faire avec le secteur privé. Mettre même un million ou deux, trois millions d’emplois, jeunes et femmes rurales au travail, auto-emploi, en Guinée, je serais l’homme le plus heureux. Et accompagner le gouvernement, ce gouvernement de vision, ça se voit. Accompagner un gouvernement de vision comme ça, ça me rend complètement heureux et ma disponibilité est entière et complète. Je ne suis pas seul. Si je pouvais ouvrir les vannes sur mes épaules, vous allez voir M. Marc Lambert de Genève, Louis Durand, Alessandro Arioli à Turin, Dr. Vittorio à Milan, et d’autres collègues allemands et néerlandais qui sont dans notre groupe. Je ne suis pas seul. C’est moi le porteur des stratégies, c’est vrai, c’est moi qui suis chargé des opérations stratégiques du cabinet, mais bon, c’est pour dire que je ne suis pas seul.

 

Avec cette initiative et tout ce qui a été dit, je vous dis, cette initiative est déjà fonctionnelle parce que son excellence M. le Premier Ministre a dit qu’il invite et exhorte le secteur privé à entrer dans l’agrobusiness pour enrayer tout ça ce qui ne va pas, les petits rendements, les infrastructures qui ne sont pas gérées et réduire très sensiblement cette importation de denrées alimentaires. Le Premier Ministre l’a dit, donc ça veut dire que oui, l’initiative, elle fonctionne et elle va réussir, c’est sûr et certain. Ces 19% seront complètement dépassés très rapidement. J’ai prié pour que tout se passe bien en Guinée. Je suis venu ici, je suis consultant, nous avons notre cabinet, nous courons à travers l’Afrique et le monde pour proposer nos approches stratégiques, nos business modèles par rapport aux projets privés. Et tout ça, on souhaiterait que la Guinée soit un très bon partenaire. C’est en train de se faire, que la Guinée continue sa bonne dynamique de développement et que nous ayons la chance de pouvoir mettre notre plume dans ce livre de développement de la Guinée. J’espère bien que ça peut être fait. Nos sociétés ont soumissionné en 2022 à l’appel d’offre international pour les fermes à la direction de l’élevage de Guinée. Et nous, notre société SAHEL AGRO INVEST a été retenue pour la ferme, le CAE de Boké. Nous sommes en train de réfléchir et d’ailleurs on a démarré un certain nombre de choses là-bas. Nous sommes entrain de voir comment mettre les choses en place là-bas, le programme d’investissement est costaud, c’est un projet de 150 millions de dollars, ça veut dire que nous avons déjà un bon pied à Boké et incha Allah, dans les prochains mois, on sentira SAHEL AGRI INVEST en Guinée.
Je vous remercie M Hamadoun Bocoum pour votre disponibilité.
C’est à moi de vous remercier.
Interview réalisée par Mamadou Alpha Bah

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